Il est à la fois juste et réducteur de prétendre que le CPOM n’apporte pas de moyens particuliers. Et si en réalité le CPOM procurait indirectement des moyens ? Et si, pour partie, ces moyens se trouvaient dans la manche du gestionnaire ?
Directement ou indirectement le CPOM est un contributeur. Mais parce qu’il ne peut suffire à lui tout seul, il convient de puiser à toutes les sources potentielles de financement et de moyens, internes et externes, publiques et privées.
1. Les ressources liées au tarif d'hébergement
Le résident supporte la majorité des charges de fonctionnement de l’EHPAD. Le CPOM doit être l’occasion de réinterroger l’Habilitation à l’Aide Sociale à l’Hébergement de façon à évaluer l’intérêt ou non d’une modulation du dispositif :
- Soit en envisageant une convention d’Aide Sociale incluse dans le CPOM ou en annexe contractuelle à celui-ci ; l’article L.342-3-1 du CASF prévoit en effet cet aménagement de nature, après une analyse approfondie et prospective, à augmenter les produits d’hébergement ;
- Soit en actant dans le CPOM un retrait partiel de l’habilitation dans la même intention de libéraliser le tarif Hébergement et là encore après une analyse détaillée et anticipative ; en sachant qu’en moyenne nationale seuls 17% des places habilitées sont réellement occupés par des bénéficiaires de l’Aide Sociale.
Le CPOM peut également être l’occasion de réfléchir selon une étude de contexte et de coûts à l’opportunité de moduler le tarif Hébergement en fonction du revenu des personnes et/ou en fonction du standing des chambres et de la qualité générale des prestations hôtelières.
2. Les ressources liées aux tarifs dépendance et soins
Le financement public des charges de fonctionnement résulte principalement du profil médicotechnique des résidents accueillis estimé via la grille AGGIR et la coupe PATHOS. Cette double évaluation qui doit précéder la négociation du CPOM est absolument capitale puisqu’elle conditionne l’essentiel des forfaits Dépendance et Soins. Or, force est de constater que par défaut de maîtrise, certains EHPAD se fragilisent financièrement.
Maîtriser implique :
- De vérifier la complétude des dossiers des résidents : pour ce faire un appui externe apporte une véritable assurance ;
- D’appliquer correctement les règles de codage ; là encore un appui extérieur s’avère utile ;
- De préparer la soutenance lors de la validation par les médecins de l’ARS et du Département en s’appuyant sur la bonne connaissance des résidents et des consensus médicaux. Dans le cas où l’EHPAD ne dispose pas de médecin coordonnateur, il peut recourir à un médecin extérieur missionné spécifiquement.
La négociation du CPOM s’aborde ainsi beaucoup plus sereinement lorsque cette étape préalable est réussie. Elle permet par exemple :
- de valoriser sans même de négociation la prévention (car oui la prévention génère du financement contrairement à l’idée reçue qui voudrait que plus on est vertueux et plus on serait financièrement pénalisé),
- de justifier dans le CPOM des financements complémentaires pour les aides et les soins à la personne non financés ou sous-financés, ou encore
- de déterminer des objectifs légitimes portés conjointement par le projet d’établissement ou de service et le CPOM.
3. Les marges de manœuvre issues de la réglementation
Le CPOM s’inscrit dans le cadre de la double réforme de la contractualisation et de la tarification qui présente des marges de manœuvre intéressantes en termes de gestion économique et financière.
Ainsi le CPOM va permettre d’ajouter à la libre gestion des forfaits et à la définition des clés de répartition des charges concurrentes, la conservation et l’affectation encadrée des résultats ainsi que la fongibilité de ces mêmes résultats entre financeurs et, le cas échéant, entre établissements et services, entre champ Personnes Agées et champ Personnes en situation de handicap.
Dans une logique plus financière que comptable, tournée notamment vers une indépendance accrue vis-à-vis des banques, une analyse des coûts et des ratios doit conduire à une stratégie claire et formalisée dans le plan global de financement pluriannuel -PGFP et le plan prévisionnel d’investissement -PPI.
4. Le manque à gagner lié aux surcoûts injustifiés
Le CPOM doit être l’occasion également de questionner la performance ; non plus de façon théorique et imposée mais de manière concrète et volontariste en se penchant sur l’efficacité et l’efficience.
Interroger l’efficacité consiste à évaluer les effets des actions et des moyens mis en œuvre par l’établissement. Ces effets sont-ils positifs et suffisants ?
Et mesurer l’efficience vise à estimer le rapport qualité-coût d’une prestation ou d’un mode organisationnel ou fonctionnel. Ce rapport est-il bon avec des résultats qui justifient leur coût ? Ou au contraire constate-t-on trop peu de résultats pour continuer sans modifier les process ?
Dans cette recherche de la maximisation ou optimisation des moyens, un angle d’attaque intéressant est celui de la démarche de développement durable et de responsabilité sociétale des entreprises –DD-RSE. Cette démarche conduite avec méthode et associée à une identification des coûts cachés, opère un changement culturel dans la gestion économique et financière pour parvenir à une juste dépense. Très concrètement, elle peut être source de milliers d’euros d’économie de façon structurelle et pérenne.
Un autre angle d’attaque peut être celui de l’audit organisationnel de l’EHPAD, pour refondre les organisations en place (procédure de recrutement et d’intégration dans l’entreprise, répartition des tâches et des fonctions, trames de planning, gestion des absences) avec l’appui technique, neutre et distancié d’un expert externe. De la même façon, l’examen des régimes juridiques, sociaux et fiscaux peut déboucher sur une optimisation des charges.
5. La prime à l’innovation
Le CPOM peut être un levier de modernité en portant des projets médicosociaux innovants et financés spécifiquement.
Portant sur la nature de l’offre, des prestations ou des processus, l’innovation et les moyens afférents peuvent être actés dans le CPOM en référence notamment à l’article L.312-1 12° du CASF et à l’article L.162-31-1 I. 1° du Code de la Sécurité Sociale.
Le CPOM peut ainsi devenir une source de progrès dans l’accompagnement des personnes comme dans la gestion de l’établissement avec des moyens calibrés en fonction du projet et des résultats attendus.
Mais vouloir innover suppose de formaliser un projet spécifique d’accompagnement et de fonctionnement avec notamment des indicateurs de suivi et d’impact. Cela peut impliquer également d’être réactif en répondant par un dossier bien argumenté à un appel à initiatives lancé par les autorités planificatrices de l’offre sociale et médicosociale lorsque celles-ci instiguent l’innovation.
6. Les ressources disponibles sur le territoire
Le CPOM embrasse le périmètre territorial que dessert l’établissement ou le service et ne se limite pas au seul gestionnaire et encore moins à la structure comme cela était le cas avec les conventions tripartites.
Par là-même, le CPOM situe la demande et l’offre médicosociales locales, quitte à constater l’inadéquation entre les deux ainsi qu’un maillage imparfait, une rupture dans le continuum de vie et de soins des personnes avec une déperdition de moyens. Il est ainsi utile de bien connaître le territoire via une étude de besoins et d’opportunités qui permette d’appréhender les réalités et perspectives sociales et sanitaires et qui permette aussi d’évaluer la coordination et la complémentarité des moyens déployés par les différents acteurs.
Le CPOM va ainsi pouvoir agir sur l’articulation des moyens et conduire si nécessaire à des mutualisations, des rapprochements et des consolidations entre acteurs. Moyennant un accompagnement technique, notamment juridique et financier, des opérations telles que des groupements de coopération, des fusions-absorptions, fusions-créations, transferts partiels d’actifs ou encore des mandats de gestion, peuvent tout à la fois générer des moyens nouveaux, viabiliser un projet, pérenniser une activité, contribuer à la croissance externe d’un opérateur et mieux répondre aux attentes de la population.
7. Les ressources extratarifaires
Le CPOM peut être une bonne occasion de remobiliser ou mobiliser autrement les ressources. Au-delà de la maximisation de celles existantes, le gestionnaire a intérêt à générer ou réunir des ressources extratarifaires.
Ainsi, en dehors des produits de la tarification, des ressources complémentaires peuvent émaner d’activités dont les excédents profiteront à l’activité médicosociale désintéressée. Une étude de marché va permettre de déterminer les meilleures pistes de diversification d’activités et leur potentiel rémunérateur.
Egalement, la mobilisation de ressources gratuites peut utilement conforter la dynamique qualitative de l’établissement ou du service tout en contribuant à la rationalisation des coûts et du reste à charge pour le bénéficiaire. Particulièrement, l’adjonction encadrée de personnes bénévoles peut être précieuse tant au niveau de la gouvernance que sur le plan opérationnel du quotidien ou sur des temps événementiels.
Enfin, les ressources peuvent provenir de la générosité publique via diverses subventions, fondations et mécanismes collecteurs permettant une levée de fonds importante. Sans être exhaustif, des leviers tels que la reconnaissance d’utilité publique, les fonds de dotation, les souscriptions, le mécénat ou encore le naming méritent d’être connus pour pouvoir être activés avec discernement. A cette fin, les gestionnaires auront intérêt à consulter une revue détaillée des différents cadres existants.
Qu’il s’agisse de la détermination des moyens, de leur pilotage ou de leur développement, vous pouvez tirer le meilleur parti du CPOM ou de démarches complémentaires que vous conduiriez en parallèle au CPOM. L’objectif, pour les établissements et services, étant de réunir les moyens nécessaires à leur action dans l’intérêt des personnes âgées et de celles et ceux qui les accompagnent au quotidien.