Quels que soient les objectifs de recours à la réalisation d’un audit organisationnel, l’audit doit se comprendre comme un « travail d’écoute active » qui cherche à donner aux professionnels des clefs de lecture de leur organisation en termes de cohérence, conformité et performance.
C’est prendre conscience que la « photographie qui va être réalisée à l’instant T » risque de bousculer les habitudes de travail, remettre en question des pratiques, les modes de communication, les idées préconçues, etc.
Il n’y a pas de transformation sans prise de risque nécessaire aux besoins d’adaptation des organisations à l’environnement et ses contraintes, ce qui suppose d’être en capacité de repenser ses processus de travail.
« Face au monde qui change, il vaut mieux penser les changements que changer les pansements », disait avec humour Francis Blanche.
L’audit alors comme instrument privilégié dans cette démarche de changement ? Une fin en soi ? Des constats s’accompagnant de préconisations dans lesquelles les acteurs n’ont qu’à se servir et les suivre à la lettre ?
C’est oublier que conduire le changement suppose d’intervenir au niveau de l’information- communication au sein de l’établissement-service, des facteurs humains et des activités.
1. Donner un cap
« Le management est l’art de conduire une organisation vers la réalisation de ses objectifs » – Jean-René Loubat.
Pour promouvoir une dynamique collective il est nécessaire de susciter l’engagement conjoint des équipes de direction et des équipes de terrain qui sont à même de garantir l’objectif poursuivi, soit dans un établissement ou service médico -social une qualité d’accompagnement et de prise en soin des personnes âgées dépendantes.
Pouvoir s’approprier les préconisations d’un audit, en termes d’actions d’améliorations requiert des préalables. En effet comment mettre les équipes dans une dynamique de projet si le cap n’est pas fixé (place du projet d’établissement-service), que les rôles et les missions de chacun ne sont pas suffisamment explicites, que les règles de fonctionnement ne sont pas formalisées et connues de tous ?
Cela demande également que les managers développent un leadership « transformatif » qui se caractérise par la capacité :
- de susciter et maintenir l’intérêt des membres de l’organisation au regard des changements à opérer
- d’être en mesure de communiquer sa vision et sa compréhension des choses et de la rendre signifiante auprès de son personnel
- de faire preuve de confiance, de soutien, de fiabilité et de constance dans ses rapports avec son personnel
- d’être attentif à soi -même, ses forces et faiblesses, faire preuve d’exemplarité (appliquer les règles qu’il demande aux autres, aller sur le terrain pour comprendre…)
C’est aussi pouvoir se détacher des expériences passées, ce qui ne veut pas dire qu’il faut faire fi du contexte et de l’historique de l’établissement ou du service. Il s’agit d’en extraire des enseignements pour comprendre ce qui a été productif et ce qui ne l’a pas été, de mettre de côté les personnalités de chacun et les relations entretenues avec les uns et les autres.
2. Maîtriser la communication
Une organisation possède toujours une division et répartition des tâches, une hiérarchie et des règles de fonctionnement, mais aussi un système de communication.
Une bonne communication, c’est l’art de se comprendre, d’échanger des informations sans interpréter les messages.
Le dispositif de communication est un volet important d’une démarche de conduite du changement. En effet lorsque l’on s’inscrit dans le besoin de réaliser un audit organisationnel, il est nécessaire de réfléchir au plan de communication adapté en amont de celui-ci, pendant la réalisation de l’audit et dans sa phase terminale pour en communiquer ses conclusions.
Définir les publics cibles de la communication à réaliser, les contenus des messages, les moyens et supports appropriés… soit considérer la communication comme une action à part entière dans une démarche de conduite de changement. Ce qui nécessite d’y consacrer du temps.
3. Savoir utiliser la force des équipes et des individus
L’organisation est conçue aujourd’hui comme un système complexe dont la conduite, le management, supposent la prise en compte prioritaire des individus qui la composent.
Chaque personne est porteuse de sa propre motivation, de son désir de travailler, et de son degré d’adhésion à un rôle. De même l’homme a besoin de donner un sens à sa vie et il le fait au travers de l’action.
Il s’agit alors de trouver la meilleure conciliation possible entre les objectifs organisationnels et ceux des divers acteurs, d’identifier la dynamique par laquelle les individus ajusteront leur comportement et coordonneront leurs conduites dans la poursuite d’une action collective.
Ce qui veut dire qu’il faut les amener à prendre eux-mêmes en charge les problèmes identifiés, les convaincre des changements à opérer, les accompagner, etc.
Pour autant il s’agit d’être conscient que transformer des organisations sans se heurter à la moindre objection, quand bien même vous auriez pris soin de préparer votre nouveau projet et d’impliquer vos équipes, est un souhait et non une réalité.
« Ce n’est pas le changement qui fait peur aux gens, mais l’idée qu’ils s’en font » – Sénèque.
Les sources des résistances que vous allez rencontrer sont multiples et vont de causes individuelles (intérêt individuel qui prévaut au détriment de l’intérêt collectif, manque de confiance, vision erronée du projet, incertitude face à l’avenir…) à des causes collectives ou organisationnelles (acquis sociaux, routines standardisées…).
Bien conduire les entretiens professionnels et les entretiens annuels d’évaluation peut permettre aux managers de mieux connaitre les professionnels, de cibler leurs zones d’intérêts, leurs aspirations, leurs motivations …, une connaissance de l’autre alors utile dans une conduite du changement.
4. Ordonnancer les actions à mener
Conduire le changement nécessite de donner des repères aux professionnels, de déterminer les objectifs à atteindre dans un temps imparti.
Pour réussir un projet dans une contrainte de délai, pas de secret, il faut le planifier, soit faire un calendrier (diagramme de Gantt). Réfléchir sur ce calendrier permet d’avoir une vision réaliste sur chaque étape, les moyens à mobiliser, les contraintes et les freins possibles dans l’avancement du projet, l’impact de l’avancée de certaines étapes sur la faisabilité de la suivante…
L’important n’est pas seulement de déterminer des dates butoirs pour chaque étape, mais de savoir tenir les délais afin de donner de la crédibilité à cette démarche de changement.
Planifiez et hiérarchisez les actions à mener en fonction d’un agenda précis, la conduite du changement nécessitant encore plus de rigueur qu’un projet habituel.
5. Donner les moyens pour y arriver
Pas de projet de changement sans investissement en temps et en moyens humains !
Impossible de se lancer dans d’importants changements sans envisager un minimum d’accompagnement des professionnels, sans leur donner du temps pour prendre de la distance avec le quotidien et réfléchir aux nouvelles organisations à mettre en œuvre.
Soyez présent et à l’écoute, demandez-leur régulièrement où ils en sont et proposez-leur de l’aide. Prenez conscience aussi que tout changement s’accompagne également de nouvel apprentissage : nouvelles façons de travailler, nouvelles pratiques, nouveaux outils, nouveaux comportements et nouvelles compétences.
La formation est une nécessité et un excellent moyen de rassurer les collaborateurs réticents au changement. Cela montre que l’organisation met en œuvre les moyens nécessaires pour que chacun réussisse et adhère au changement.
6. Tester le projet et l’accompagner dans sa durée
Une fois les organisations cibles déterminées, il s’agit à présent de les mettre en place. La conduite du changement est un long processus qui s’effectue par étapes, et cette étape de test doit retenir toute votre attention.
En effet les professionnels concernés ont besoin de temps pour intégrer ses transformations et changer leurs habitudes. Il va falloir gérer les insatisfactions, les frustrations et les doutes, tenir bon dans une période de test préalablement définie allant de 3 à 6 mois.
C’est inévitable et parfois déroutant d’entendre dire par certains professionnels que c’était mieux avant, même si ces mêmes personnes étaient les premières à souhaiter des changements et améliorations dans les organisations antérieures.
L’erreur à éviter dans cette période de test, est de procéder à des modifications incessantes de l’organisation nouvellement définie, en regard des commentaires formulés par les professionnels déstabilisés dans leur routine de travail. Néanmoins il ne faut pas occulter les problématiques rencontrées mais les recueillir ainsi que les propositions évoquées par les personnels. Il est important de préciser aux acteurs, qu’un bilan de cette période de test sera réalisé et que des ajustements seront possibles. Mais rassurez-vous 80% des problèmes évoqués dans ces trois premiers mois n’ont plus de raison d’être lors de la réalisation du bilan.
Penser également à développer des indicateurs pour mesurer les améliorations obtenues (indicateurs d’activités, de résultats, de processus…).
7. Savoir clôturer le projet et féliciter les acteurs
Après de nombreuses heures de travail et d’effort, vous et votre équipe êtes enfin arrivés au bout de votre projet. Un investissement de tous pour un objectif commun qui doit être connu et reconnu.
Sachez utiliser les moyens que vous avez à disposition : pourquoi pas un article sur votre site internet ? Une communication dans les instances de l’établissement ? Une réunion festive de remerciements ?…
De même il est indispensable de capitaliser sur cette expérience et de la valoriser dans vos projets institutionnels : préparation du projet d’établissement-service, réalisation de votre auto-évaluation et de votre évaluation médico-sociale quinquennale.
Pour conclure, vous souhaitez faire un diagnostic de votre organisation et en améliorer sa performance, l’audit organisationnel en EHPAD peut vous aider dans cette démarche.
Mais vous l’avez compris, cette prestation technique et participative, forte de ses préconisations et plan d’actions associé, ne pourra être efficiente que dans une volonté commune de tous les acteurs de l’établissement ou du service de s’inscrire dans une dynamique de changement.