Sur les trois budgets d’un EHPAD, deux dépendent des évaluations AGGIR et PATHOS : le budget dépendance dépend d’AGGIR et le budget soin dépend à la fois d’AGGIR et de PATHOS.
Optimiser son codage PATHOS représente donc pour tout responsable d’établissement un enjeu majeur dans l’obtention des moyens financiers, donc humains, nécessaires pour délivrer des soins de qualité aux résidents durant les 5 ans du CPOM.
Outre le fait de maitriser le guide PATHOS, voici 4 étapes incontournables pour réussir à optimiser son codage AGGIR-PATHOS et valoriser convenablement les besoins en soins requis des personnes accompagnées.
1. Optimiser le codage AGGIR avant tout
Le degré d’autonomie des résidents, mesuré par la grille AGGIR attribuant à chacun un Groupe Iso-Ressources (GIR), fait partie intégrante du calcul des moyens octroyés à un établissement pour financer ses dépenses relatives à la fois à la dépendance et aux soins.
Cet indicateur clé est bien souvent sous-coté de 10 à 30 %. De plus, tant que le PMP (Pathos Moyen Pondéré d’un établissement) est inférieur à 300, c’est le GMP (Gir Moyen Pondéré) qui a le plus de poids dans le calcul de votre GMPS (Gir Moyen Pondéré Soin) entrant dans l’équation tarifaire calculant votre budget soin.
Donc pour avoir un bon GMPS, il faut commencer par avoir un bon GMP, autrement dit, évaluer de la façon la plus précise possible le GIR de chaque résident.
De plus, le GMP permet de calculer directement la charge de travail des Aides-Soignantes (AS) en heures, grâce à l’outil Galaad. C’est donc une opportunité inespérée qui leur est offerte de valoriser enfin à sa juste valeur leur charge de travail. L’AS, ainsi que l’IDE (Infirmière Diplômée d’État) jouent donc un rôle majeur dans la juste évaluation de l’autonomie des résidents, par exemple en maîtrisant parfaitement la notion de « faire faire » codée C, alors qu’elle est codée B dans 95 % des établissements, ou encore en évaluant systématiquement l’autonomie des résidents la nuit, valorisant au passage la charge de travail des équipes de nuit.
L’objectif est ainsi de coder à leur juste valeur les 10 variables discriminantes de la grille AGGIR par le choix d’une cotation argumentée, selon les éléments de preuve du plan de soin, reflétant votre charge réelle de travail en termes de soins de base et relationnel apportés aux résidents.
2. Qualifier et quantifier tous les soins requis
L’évaluation, ensuite, des soins médicotechniques requis par les résidents, compte-tenu de leurs pathologies, détermine le PMP de l’établissement.
Il s’agit, pour chaque pathologie, de déterminer une quantité de soin requise, c’est-à-dire ce qu’il faudrait faire pour bien faire selon les recommandations de bonne pratique quand bien même on ne le fait pas actuellement, indispensable et tracée, qui va justifier la cotation d’un profil de soin dans la grille PATHOS.
Afin d’orienter les ressources au plus près des besoins de soin des résidents, il faut impérativement mobiliser et coordonner l’ensemble de l’équipe soignante, médicale et paramédicale, autour de l’évaluation gérontologique pluridisciplinaire afin de repérer et tracer les pathologies et les besoins de soins requis. A titre d’exemples :
- Le psychologue doit effectuer un bilan cognitif, afin de suivre l’évolution du déclin cognitif, un bilan comportemental (NPI’ES pour tous les résidents, complété selon le besoin clinique et argumentaire par l’échelle de Cohen-Mansfield, une échelle de dépression, d’anxiété, d’apathie, etc…) ainsi qu’une synthèse clinique pour tous les résidents.
- Les bilans rééducatifs sont quant à eux assurés par l’ergothérapeute, le psychomotricien, le kinésithérapeute ou l’orthophoniste.
- Les bilans paramédicaux (dénutrition, déshydratation, douleur, pansements, etc…) sont pilotés par l’IDEC.
Cette démarche clinique collective, sur la base de toutes les évaluations et preuves réunies par les équipes, permet alors au médecin coordonnateur d’élaborer en collégialité le projet médical individuel de chaque résident. Celui-ci constitue la base argumentaire du codage des « profils de soin PATHOS » de chacun des résidents.
Autrement dit, sans traçabilité médicale, paramédicale, ni évaluation psychologique ou rééducative, pas de projet médical individuel possible, donc pas de codage possible, donc pas de moyens alloués.
Il est du rôle du directeur d’évaluer et planifier la charge de travail de cette évaluation gérontologique pluridisciplinaire qui s’échelonne sur plusieurs mois.
3. Coder PATHOS au regard des besoins de soins requis
Grâce à la précision du projet médical individuel précédemment élaboré par le médecin coordonnateur, la codification de la grille PATHOS cote des quantités de besoins de soins requises réalistes, c’est-à-dire faisables si l’on avait les moyens et à condition que le résident soit compliant.
A cela s’ajoute quelques points techniques à ne pas négliger, tels que :
- Ne pas oublier le codage S1, à tort sous codé : il concerne tout ce qui a trait à la surveillance et la prévention effectuée par l’équipe médicale et paramédicale, et pas uniquement ce qui concerne les traitements.
- Bien coder R2, voir R1 dans certains cas, les besoins rééducatifs qui concernent environ 50 à 80 % des résidents. Ce point de codage s’entend comme une rééducation allégée et discontinue, qui peut donc tout à fait être mise en œuvre pour des résidents déments, y compris sévères, et/ou en grande perte d’autonomie, voir GIR 1, dès lors qu’ils sont compliants à la rééducation. C’est justement tout l’art des rééducateurs que de parvenir à obtenir la compliance de ce type de patients.
- Pour P2, toujours coder les pathologies et non les symptômes ou les médicaments, et coder sur les comportements qui consomment le plus de ressources de l’équipe.
Ici aussi, il est du rôle du directeur de prévoir un temps dédié pour ses équipes en charge du codage de l’intégralité des dossiers, à minima le médecin coordonnateur, l’IDEC ou le cadre de santé, le psychologue et le rééducateur (kinésithérapeute, ergothérapeute, psychomotricien). Comptez environ 30 à 35 dossiers par jour pour AGGIR et 10 à 18 dossiers par jour pour PATHOS, soit en d’autres termes et selon la taille de votre établissement, entre une et deux semaines. Étant entendu que pendant qu’ils font cela, ils ne font pas autre chose.
4. Vérifier les éventuelles incohérences de codage AGGIR et PATHOS
Il est enfin indispensable d’effectuer une « pré-coupe » au plus tard deux à trois mois avant la coupe définitive et la transmission sur GALAAD.
Cette étape permet de tester la robustesse des preuves (traçabilité, évaluations, …), de repérer les incohérences de codage et de vérifier la corrélation entre le codage de la grille AGGIR et le projet de soins. La cohérence globale des éléments, fidèle au projet médical individuel, est un atout indéniable pour soutenir l’argumentation de son codage face au médecin de l’ARS, ainsi que celui du Conseil Départemental.
Pensez d’ailleurs à réactualiser cette « pré-coupe » pour tenir compte de l’éventuelle évolution de l’état de santé de vos résidents. Un dernier contrôle de la robustesse des preuves et de la cohérence des codages pourra ainsi être réalisé afin d’affiner l’optimisation du codage.
La « photo » des besoins de soins requis par vos résidents ainsi réalisée, doit être le reflet de la réalité de leurs besoins de soin et servira alors d’argument fort, une fois validée par le CD et l’ARS, pour étayer l’argumentation de certains projets spécifiques répondant aux besoins de la population hébergée (PASA, UHR, psychiatrie, etc…). Ces éléments détermineront les objectifs portés par le projet d’établissement. Ils feront alors l’objet d’une négociation lors du CPOM dans le cadre des financements complémentaires liés à des modalités particulières d’accueil ou d’hébergement, ou à des projets innovants.
Au final, l’anticipation, la préparation, le pilotage, l’implication et la coordination des équipes sont essentiels pour réussir à optimiser le codage AGGIR-PATHOS, permettant simultanément d’engager l’ensemble des professionnels dans une démarche qualité contribuant en premier lieu à l’amélioration de la qualité des soins, et donc de vie, des personnes âgées, et à terme, lorsque les moyens financiers sont attribués, à une amélioration de la qualité de vie au travail des salariés.
C’est également une méthode redonnant du sens aux soins et structurant à l’avenir le fonctionnement en collégialité de l’ensemble de l’équipe.